UNE EXECUTION CAPITALE AUX MESNULS

Au fil des ans, l’histoire d’un village est marquée par une suite d’événements, les uns heureux, voire joyeux – d’autres, hélas beaucoup moins gais et parfois même dramatiques. C’est un événement de cette nature que nous allons évoquer aujourd’hui… événement d’un caractère exceptionnel qui, à notre connaissance, ne s’est heureusement produit qu’une seule fois dans notre village, puisqu’il s’agit :

D’UNE EXÉCUTION CAPITALE AUX MESNULS

Années 1765-1766
La FranceLouis XV était sous le règne de Louis XV. A cette époque vivait aux Mesnuls un certain Jean Moulin, berger de son état. Il était employé pour garder les troupeaux, par le couvent des Hautes Bruyères à Saint Rémy-l’Honoré. Le fait de travailler pour une institution religieuse ne semble malheureusement pas avoir eu une influence modératrice sur son tempérament violent, car le 27 décembre 1765 il tenta de tuer sa femme Marie-Catherine Mary d’un coup de fusil chargé aux plombs.
Celle-ci ne fut que blessée et fort heureusement en réchappa.Berger18e
Au lieu d’en rester là et de se féliciter de n’être pas devenu un assassin, il semble que le seul regret du forcené était d’avoir « manqué son coup », car dès le 12 janvier suivant, il tenta d’enfoncer la porte de la maison où son épouse s’était enfermée, mais ne réussit pas.
Obstiné, il parvint à ses fins deux jours plus tard et la tua d’un coup de fusil, chargé à balles cette fois, le 14 janvier 1766, au hameau de la Mare-Colin.
La justice immédiatement saisie le fit emprisonner. Quant à la victime, elle fut enterrée dès le 15 janvier au cimetière des Mesnuls, après délivrance du permis d’inhumer par les magistrats.

fusil

Le Procès
Le premier interrogatoire de l’accusé fut réalisé le 14 février par le magistrat Demauvieu. Le 8 mars son domicile fut perquisitionné. Le 14 avril, au cours d’un nouvel interrogatoire, l’accusé reconnaît son crime. Le 3 mai une confrontation est organisée avec les 13 témoins auditionnés dont Pierre Vouchot, journalier, Jean Freville, chartier, juge18eFrançoise Mallard, Catherine Letté, … et le 23 mai il est procédé au quatrième et dernier interrogatoire.
Le 28 mai le procureur donne ses conclusions et le 31 le jugement a lieu à Montfort-l’Amaury en présence du président Jean-François Thourette, de Joseph-Claude Le Boistel lieutenant de la ville, du magistrat Demauvieu et des avocats Denis Le Breton et François Henrion.
Les magistrats prononcent une sentence de mort, et condamnent l’assassin à périr sur la roue.
Jean Moulin prétendit alors que le coup de fusil était parti accidentellement et introduit un pourvois devant le Parlement contre cette sentence. Il fut donc conduit à Paris et enfermé à la Conciergerie en attendant un nouveau jugement.

Le second Jugement
Cette démarche lui permit de retarder son exécution de deux mois mais rendit celle-ci encore plus pénible car la Cour, dans un arrêt du 10 juillet 1766, confirma la sentence et l’aggrava de peines accessoires en ces termes :
 » La Cour condamne Jean Moulin à faire Amende Honorable au devant de la porte principale de l’église des Mesnuls, où il sera mené par l’Exécuteur de la Haute Justice, dans un tombereau, nuds pieds et en chemise, ayant la corde au col, tenant en ses mains une torche ardente du poids de deux livres, et écriteaux devant et derrière portant ces mots : torture-mandrin (1)Assassin de dessein prémédité de sa femme.
Et là, étant à genoux, le condamne à dire et déclarer à haute et intelligible voix, que méchamment, témérairement et comme mal avisé, il a, de dessein prémédité, tiré plusieurs coups de fusil sur sa femme, du dernier desquels elle est décédée, dont il se repent, demande pardon à Dieu, au Roi et à la Justice, et au dit lieu, aura le poing coupé.
Ce fait, il sera conduit en la principale place des Mesnuls, pour, sur un échafaud qui y sera à cet effet dressé, y avoir les bras, jambes, cuisses et reins rompus vif par ledit Exécuteur de la Haute Justice.
Ensuite mis sur une roue, face tournée vers le Ciel y demeurera tant et si longuement qu’il plaira à Dieu lui conserver la vie. Ce fait, son corps sera jeté dans un bûcher pour y être réduit en cendres, et ses cendres jetées au vent.

Jean Moulin sera préalablement appliqué à la question ordinaire et extraordinaire, pour avoir, par sa bouche, révélation de ses complices et d’aucuns faits résultants du procès. La Cour déclare tous et uns chacuns les biens du condamné acquis et confisqués au Roi ou à qui il appartiendra, sur iceux préalablement pris, la somme de deux cens livres d’amende envers le Seigneur des Mesnuls, au cas que confiscation n’ait lieu à son profit…..
Fait en Parlement le dix juillet mil sept cent soixante-six.
Collationné : Debret Signé : Dufranc « .

Le 29 juillet 1766 fut la date fixée pour son exécution. Mais, préalablement, Jean Moulin dut subir le supplice de la question extraordinaire. Celle-ci consistait à lier très fortement les jambes du condamné entre des planches de bois de chêne et entre elles, puis à enfoncer entre les planches des coins qui provoquaient un écrasement très douloureux des chairs et parfois des os. On utilisait 4 coins pour la question ordinaire et 8 à 9 coins pour la question extraordinaire. Elle fut appliquée en présence du juge Demauvieu et de son greffier Louis-Gilles Luthieu.
Voici un extrait du procès-verbal établi à cette occasion :

 » Interrogé sur ses nom, prénom et domicile, Moulin répond nettement et déclare qu’il est âgé de 25 ans.
 » Interrogé si ce n’est pas lui qui a, le 27 décembre 1765, tiré un coup de fusil à gros plomb au ventre et aux cuisses de sa femme dont elle a été blessée, a répondu que non.
 » Il répond non également pour le 12 janvier, non pour le 14 et qu’il n’a point de complice.
« …la torture lui fut alors appliquée.
 » Aux premier et second coin, n’a rien dit
 » Au troisième coin, a répondu qu’il est vrai qu’il a convenu le 14 avril dernier qu’il avait assassiné sa femme à deux différentes fois, mais qu’il persiste à soutenir que ce n’est pas lui.
 » Du quatrième au neuvième coin, n’a rien dit .
 » Ce fait, et après que les sieurs Raymond et Varaillon, maîtres chirurgiens, demeurant à Montfort, nous ont dit et rapporté qu’il ne pouvait plus endurer les tourments de la question, un peu revenu des rigueurs d’icelle, ayant été mis sur un matelas, a continué à nier sur toutes les questions posées.

Il fut ensuite mené sur la place des Mesnuls où eu lieu l’exécution.
Notons que la question fut abolie plus tard par Necker en 1788.

A propos de la peine capitale
Du Moyen Age à la Révolution, le mode d’exécution des condamnés variait en fonction du crime commis et de la condition sociale du criminel. C’est ainsi que :
. les clercs ne subissaient pas la peine de mort qui était remplacée par la prison à vie,
. les nobles étaient décapités,
. les faux-monnayeurs étaient ébouillantés,
. les voleurs pendus,
. les assassins roués vifs,
. etc. …
La roue et la pendaison n’étaient pas appliquées aux femmes, car jugées inconvenantes. Les criminelles étaient enterrées vivantes ou brûlées vives, ce qui était considéré comme beaucoup plus convenable!!!
A la Révolution, dans un souci d’égalité, il fut décidé que : »tout condamné à mort aurait la tête tranchée » et la guillotine commença son œuvre.
Les exécutions restèrent publiques jusqu’en 1936, puis eurent lieu ensuite dans les cours des prisons. A partir de 1949, toutes les femmes condamnées à mort furent graciées.
La dernière exécution capitale eut lieu le 10 septembre 1977 et la peine de mort fut abolie le 9 octobre 1981.

Claude Goisneau

Pour en savoir plus
Les informations relatives à cette affaire proviennent en majeure partie des archives départementales de Seine et Oise consultables à Versailles (Grandes Ecuries).Les documents originaux de l’époque, en particulier les actes de procédure, y sont classés sous la référence : Prévôté des Mesnuls et du Chêne Rogneux, année 1766, dossier B 1031.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.